Le SNES et la loi "anticasseurs"
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L’US n° 16 du 29 avril 1970
Avec l’élection de Georges Pompidou à la présidence de la République en 1969, les timides ouvertures démocratiques de l’après mai 68 tendent à se refermer.
Face à l’agitation de groupes radicaux, souvent qualifiés de « gauchistes », qui prônent et pratiquent l’action violente en marge des mobilisations sociales, nombreuses, de la période, le pouvoir fait le choix d’une logique répressive.
Au printemps 1970, René Pleven, le Garde des sceaux « centriste », présente un projet de loi « tendant à réprimer certaines formes nouvelles de délinquance », qui passera à la postérité sous le nom de « loi anticasseurs ». Débattue dès la fin avril au Parlement, elle est définitivement adoptée début juin, et suscite la réprobation et la mobilisation de la gauche, notamment syndicale.
Son principe central est la responsabilité indirecte et collective : peuvent être poursuivis, en cas de violences commises dans le cadre ou en marge d’action revendicatives, comme les manifestations, les organisateurs, ou les simples participants, même s’il n’est pas prouvé qu’ils aient pris part aux violences.
C’est évidemment inacceptable pour le SNES, qui s’exprime dans l’U.S. du 29 avril sous la plume de François Blanchard.
Le syndicat n’approuve pas l’action violente, il la combat même souvent. Mais il est très pointilleux quant à la défense des droits des militants, même « gauchistes ». Dans le même numéro, il apporte ainsi son soutien public à Jean-Pierre Le Dantec, alors enseignant à Créteil, arrêté quelques jours plus tôt en sa qualité de directeur du journal maoïste « La Cause du Peuple ».
Pendant toutes les années 1970, l’abrogation de la « loi anticasseurs » sera une revendication importante de la gauche syndicale et politique. Les abus de son utilisation par un pouvoir de plus en plus contesté finiront par la déconsidérer.
Même si c’est anecdotique, son auteur, René Pleven, perdra son siège de député, qu’il tenait depuis la Libération, lors des élections de 1973. Et lorsqu’en novembre 1981, le gouvernement de gauche décide d’abroger la loi, l’opposition de droite, et surtout les gaullistes, ne mènent pas la bataille pour la conserver.
Il est vrai qu’à l’époque, le « gauchisme » est déjà bien épuisé. Nombreux parmi ceux qui ne sont pas morts « à trente ans » ou qui n’ont pas choisi l’impasse de l’action « directe », sont ceux qui préparent une reconversion politique plus raisonnable, souvent dans le sillage du Parti socialiste. Certains iront même beaucoup plus loin, et, bien des années après, n’hésiteront pas à soutenir un pouvoir politique qui, en avril 2019, fera adopter une loi directement inspirée de celle de 1970.
Hervé Le Fiblec