Michèle FAREY (1943-2022)
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Nos avons appris avec beaucoup de peine la disparition de Michèle Farey le 27 mai 2022 à l’hôpital de Vesoul où elle résidait. Ses obsèques ont lieu le jeudi 2 juin 2022 à 9 h 15 au crématorium de Besançon. Jean-Pierre Billot, ancien secrétaire du S3 de Besançon et ancien secrétaire national, a pris la parole pour rendre hommage à notre camarade à laquelle nous avons consacré une notice dans le Dictionnaire Maitron.
https://maitron.fr/spip.php?article212767
Michèle Farey
militante jusqu’à son dernier souffle
Pour de très nombreuses enseignantes et enseignants de votre académie qui ont dépassé la quarantaine, Michèle c’était le SNES et le SNES c’était Michèle.
Depuis ses débuts dans le service public d’éducation comme surveillante, elle avait parcouru la totalité du cursus honorum professionnel et syndical. Elle avait eu la fierté de pouvoir relire le texte de sa biographie avant sa parution dans le Maitron.
Au début des années 80, la section académique du Snes traversait une période un peu difficile : beaucoup de responsables bisontins avaient passé la main ou étaient en passe de le faire. Michèle est alors venue plusieurs fois par semaine depuis Vesoul ; avec d’autres venus de Belfort, de Montbéliard ou du Jura et deux ou trois camarades recrutés localement, elle a constitué un nouveau secrétariat bisontin.
Au sein de cette équipe académique, Michèle s’est très rapidement consacrée à la défense individuelle des collègues ; l’affaire n’était pas aisée dans cette période : dans les collèges et lycées de notre académie, plus d’un enseignant sur cinq était un non-titulaire ; à chaque rentrée ils étaient des centaines à n’avoir aucune proposition d’emploi sans pour autant pouvoir s’inscrire au chômage :il fallait alors assurer leur défense et conjuguer l’action collective – manifestation, occupation de locaux, compris du Rectorat – et la défense individuelle de chacune et de chacun.
Dans la défense des collègues Michèle ne lâchait jamais rien et pouvait faire preuve dans son argumentation d’une mauvaise foi qui confinait au Sublime : ainsi pour dénoncer l’affectation totalement inacceptable d’une collègue sur deux lycées, l’un à Vesoul, l’autre à Gray, elle avait, après avoir procédé à une description apocalyptique des hivers en Haute-Saône, conclu que par la faute de l’administration, cette collègue allait devoir risquer sa vie dans les congères ! Certes au milieu des années 80, il y eut quelques hivers rudes, de là à imaginer des congères quotidiennes entre Vesoul et Gray…
À la fin de la décennie 80, Michèle est devenue tout naturellement commissaire paritaire nationale, tout en continuant à intervenir au plan académique. A Paris, elle avait été très rapidement adoptée par le noyau historique du secteur carrière-emploi, un groupe constitué majoritairement de collègues femmes un peu plus âgées qu’elle. Elle était un peu devenue leur protégée. Et Michèle qui, à Besançon, menait avec autorité et fermeté les réunions préparatoires aux rencontres avec l’administration sur les questions liées aux mutations ou à la notation, devenait à Paris une élève studieuse et bien notée
A la retraite, l’activité militante de Michèle n’a pas faibli ; elle a immédiatement intégré le groupe académie des retraités du SNES et pris la responsabilité du groupe et elle représentait les retraités de l’académie, au collectif national.
Michèle qui avait oeuvré à la création de la FSU en Haute-Saône, n’oubliait jamais son département ; c’est donc tout naturellement qu’elle a créé SFR 70- la section fédérale des retraités de la FSU de Haute-Saône. Elle a aussi assumé la responsabilité départementale de la FGR FP, la Fédération générale des retraités de la fonction publique. Elle a donc activement participé jusqu’à une date très récente à l’intersyndicale locale des retraités.
Michèle était avant tout une enseignante : elle voulait un enseignement de qualité pour tous ; elle voulait que tous les jeunes puissent accéder aux enseignements de second degré et s’ils le voulaient à l’université. Mais pour atteindre ce but, il fallait construire des lycées, ouvrir des classes et des sections. C’est dans cette optique qu’elle a largement contribué par la lutte syndicale à ce que le lycée des Haberges, l’établissement où elle a terminé sa carrière, sorte de terre.
Elle tenait à inculquer à ses élèves les valeurs de la République, expression qui a parfois été galvaudée y compris par un ministre de L’Education Nationale.
Mais on ne peut réduire Michèle au syndicalisme voire à son rôle d’enseignante. Michèle aspirait à voyager ; elle avait commencé à le faire au début de sa retraite avant que de graves ennuis de santé ne l’obligent à réduire très largement son périmètre d’activité. Michèle aimait la poésie ; elle en composait et elle aimait offrir ses poèmes en cadeau.
Michèle, professeure d’Histoire et fille de résistant, était très attachée à faire vivre la mémoire de la Résistance et des résistants. Coïncidence troublante : le 27 mai, la conservatrice du Musée de la Résistance de Besançon rappelait sur la télévision régionale le souvenir d’Odile Selb-Bogé : c’est Michèle qui avait convaincu cette grande mais humble résistante de témoigner et de publier ses souvenirs : Michèle en avait d’ailleurs rédigé la préface.
Le 27 mai 2022, Michèle n’a pas su qu’elle passait le relais ; elle venait de décéder quelques heures auparavant. Dommage car je pense qu’elle aurait aimé le savoir.
Jean-Pierre Billot