Novembre 2024 : Qui se souvenait encore de la guerre de Corée ? (1950-1953)

lundi 14 avril 2025
par  Hervé Le Fiblec
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Contexte général

En novembre 2024, tous les médias européens se font l’écho de cette nouvelle donnée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, transmise par le Département américain de la Défense : 10 à 12 000 soldats nord-coréens seraient déployés dans la région de Koursk, en Russie.

Pour la première fois dans l’histoire de l’Europe, depuis les invasions mongoles du XIIIème siècle, des soldats asiatiques combattent sur le sol européen. Le lieu est chargé d’histoire : Koursk ! Du 5 juillet au 23 août 1943, les forces armées allemandes et soviétiques engagent un combat titanesque sur 23 000 km2, et s’y déroule la plus grande bataille de blindés de l’Histoire. L’issue est une victoire soviétique chèrement acquise. L’Allemagne nazie perd définitivement l’initiative stratégique.

Ces échos lointains de l’Histoire, la présence de soldats nord-coréens combattant les « nazis » ukrainiens envahisseurs du sol russe, amènent hommes politiques, journalistes et historiens à rechercher un précédent dans l’Histoire contemporaine. C’est ainsi que ressurgit une guerre oubliée, la guerre de Corée (1950-1953). Elle opposa la République de Corée actuelle Corée du Sud, soutenue par les Nations Unies, à la République Populaire Démocratique de Corée (Corée du Nord) soutenue par la Chine et l’URSS. C’est l’un des premiers conflits de la guerre froide. La guerre ouverte s’acheva le 27 juillet 1953 avec la signature d’un cessez-le-feu. Il est toujours en vigueur aujourd’hui, aucun traité de paix n’a été conclu. Il suit approximativement le 38ème parallèle. Ce conflit occasionna entre 3 et 5 millions de morts, civils et militaires. L’utilisation de l’arme atomique fut évoquée, en particulier par le général américain Mac Arthur, commandant d’une force internationale d’intervention approuvée par les Nations Unies qui profitèrent du boycott de cette institution par les Soviétiques. Dix-huit pays, dont un détachement de volontaires français participèrent aux combats : 4 421 soldats entre 1950 et 1953, 268 tombèrent au cours d’opérations extrêmement meurtrières sous des températures hivernales de ? 20° C.

Ainsi quand le 25 juin 1950, les troupes nord-coréennes soutenues par la Chine et l’URSS franchissent le 38ème parallèle, la sidération de l’Occident est totale. Le 8 mai 1945 avait mis fin à une « Seconde guerre de Trente ans » pour reprendre l’expression du général De Gaulle, et très rapidement, après la première mondialisation anglaise d’avant 1914, s’était mise en place une seconde mondialisation dirigée par les Etats-Unis et leurs alliés, opposée au bloc communiste tenu d’une main de fer par Staline, premier secrétaire du Parti Communiste Soviétique.

Les espoirs d’une paix durable après les désastres et les horreurs de la Seconde Guerre mondiale s’estompent. Les Etats-Unis depuis 1945, l’URSS depuis 1949, développent leur armement atomique. Un comité mondial des partisans de la paix réuni à Stockholm, lance le 19 mars 1950, « l’appel de Stockholm » qui exige « l’interdiction absolue de l’arme atomique ». Ce mouvement, initialement d’inspiration communiste, connaît un immense succès avec la guerre « chaude » en Corée. Cette pétition mondiale, signée par de millions de personnes n’aura malheureusement aucune incidence sur la poursuite des conflits. A noter, la signature de deux jeunes étudiants anonymes à l’époque : Jacques Chirac et Lionel Jospin et celle plus célèbre du pianiste de jazz Duke Ellington…

La Fédération de l’Education Nationale (FEN) face au conflit coréen et l’angoisse des enseignants

« L’appel de Stockholm » n’est pas perçu positivement par la principale fédération de enseignants français de l’époque, la FEN. Un extrait d’un article d’Adrien Lavergne, son secrétaire général, paru dans la revue « L’Enseignement Public » d’octobre 1950, l’explique clairement :

« L’appel de Stockholm, arme de propagande au service de la politique soviétique, ne pouvait recevoir l’approbation de la majorité de mes camarades. Aussi la commission administrative de le FEN s’est-elle refusée d’y souscrire ».

A compter du 16 octobre 1950, la Chine intervient directement dans le conflit et les combats s’intensifient. Les adhérents des syndicats de la FEN sont alors persuadés qu’une troisième guerre mondiale est imminente et peut éclater d’un moment à l’autre. En décembre 1950, des textes aux titres dramatiques paraissent dans leurs journaux et revues.

Le SNET, le 3 décembre 1950 intitule l’édito de son mensuel, « Le Travailleur de l’Enseignement Technique » : « Au seuil de l’abîme »
Le SNI, le 7 décembre 1950, dans la revue « L’Enseignement Public » lance un « Appel au sang-froid et à la raison ».
Le SNES est absent sur ce dossier des questions internationales. Son secrétaire général Albert-Claude Bey et le syndicat dans son ensemble, ont fait le choix de mettre l’accent sur les problèmes corporatistes -salaires, formation, reclassement-et laissent l’initiative des relations internationales au secrétaire général de la FEN.
L’idée fondamentale affirmée et réaffirmée, est celle de « l’attachement à la paix ». Le traumatisme des deux guerres mondiales hante les esprits et l’idée d’une possible troisième guerre mondiale est insupportable pour les personnels de l’Education Nationale.

Les priorités, unanimement avancées, sont au nombre de trois : le désarmement, le respect des droits de l’homme et le règlement des problèmes internationaux par l’assemblée des Nation Unies, créée en 1945, et dont la charte avait été signée par 51 pays.

Ainsi la FEN exige le règlement pacifique et immédiat des conflits asiatiques. Il faut rappeler qu’à la même époque la France est engagée, depuis 1946, dans une guerre coloniale en Indochine, qui l’oppose aux combattants dirigés par le leader communiste Ho Chi Minh.

Ultime revendication, mais pas la moindre, la réduction de tous les armements atomiques et classiques.
Ces revendications, sans concessions aucune, sont rappelées tout au long du conflit. La fin de la guerre de Corée en 1953 est accueillie par le FEN avec un soulagement mitigé : une avancée vers la paix, certes, mais une division persistante et accrue entre les deux blocs est-ouest. Les valeurs de la paix sont toujours menacées et l’idée d’un monde pacifique pour les jeunes générations reste incertain.

Epilogue et digressions

Au fil des décennies, après la fin de la guerre d’Algérie (1962) cette préoccupation du maintien de la paix s’est estompée. En 1989-90, avec l’effondrement de l’empire soviétique, le droit international allait régir l’Europe et le monde… Et pourtant ! Il aurait fallu s’alerter de l’annexion de la Crimée par la Russie en février 2014…
Catastrophes et tragédies de l’Histoire viennent souvent de cette région superbement ignorée…

La première guerre véritablement mondiale avait déjà eu lieu en Crimée (1853-1856) opposant le Russie à la France, l’Angleterre, l’Italie et la Turquie… Le zouave du pont de l’Alma n’est pas là uniquement pour indiquer le niveau de la Seine…
La peste noire en 1347-1348, qui ravagea l’Europe était venue avec les bateaux au départ des ports de Crimée vers la Sicile…

Jean-Paul Gaétan


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